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Carlos Bianchi « Reims-ASSE ? Je m'en souviens exactement »

9 avril 2020
Carlos Bianchi

Il n’avait que ce nom à la bouche… Idole absolue du Docteur Gonzalez, Carlos Bianchi évoque avec tristesse la disparition du médecin stadiste et se replonge dans cette rencontre du 19 juin 1976. Un match qui a marqué à jamais le Docteur Gonzalez qui, le bac fraîchement en poche, avait vibré dans un Delaune rempli jusqu’aux cintres. Un vif souvenir qu’il aimait narrer aux plus jeunes, comme pour les imprégner de ce « stadisme » qui lui collait à la peau. Depuis et tel un clin d’œil, il a justement fallu attendre cette saison 2019-20 pour voir le SDR de nouveau triompher contre l’ASSE en Ligue 1 après 16 rencontres sans succès…

Carlos, tout d’abord, comment allez-vous et comment vivez-vous cette période actuelle?
« Tout va bien, merci. J’habite la plupart du temps à Paris, on devait y rentrer d’ailleurs le 18 mars dernier mais on a décidé de rester à Buenos-Aires où nous étions avant le début de l’épidémie car la situation en Europe était grave. Je ne m’imaginais pas cloitré à Paris, loin de la famille. Ceci dit, ici aussi on respecte totalement le confinement, on ne se voit pas, c’est la même situation. Mais je sais que l’on est proche de la famille. Quand cette crise sera finie, on rentrera à Paris. »

« Voir un homme partir si jeune, à 60 ans, c’est profondément triste »

Cette interview est symbolique parce que vous étiez l’idole de jeunesse du médecin du club, le Docteur Gonzalez, décédé dimanche. Avez-vous eu connaissance de cette disparition ?
« J’ai appris cette triste nouvelle, oui. Je suis les journaux français et je lis attentivement ce qui se passe en Europe en général et en France tout particulièrement. Dès que la nouvelle est sortie, je l’ai vue. Je ne connaissais pas le Docteur Gonzalez mais ça fait mal, j’ai ressenti de la peine. Tout le monde n’est pas prêt à vivre cette situation spéciale… Voir un homme partir si jeune, à 60 ans, c’est profondément triste. À cet âge, on a encore pas mal de choses à accomplir… Mais c’est ainsi et c’est bien triste. »

Son souvenir de jeunesse le plus marquant fut ce match contre l’AS Saint-Etienne le 19 juin 1976. Quel souvenir gardez-vous de cette rencontre ?
« Bien-sûr, je me souviens exactement de ce match, c’était la toute fin de saison et on jouait les finalistes de la « Champions ». Saint-Etienne ne méritait pas de perdre contre le Bayern, ils avaient été meilleurs sur le match et ce devait être eux les vainqueurs. Mais vous savez, en football, les choses ne se passent pas parfois comme elles le devraient… On jouait donc ce dernier match et moi je disputais le titre de meilleur buteur d’Europe (le soulier d’or sera ravi par le Chypriote Sotíris Kaïáfas avec 39 buts, Carlos Bianchi finira soulier d’argent avec 34 réalisations ndlr). Je me souviens qu’en première mi-temps, on ne touche pas le ballon. On se fait complètement dominer, Saint-Etienne mène 0-2 à la mi-temps. Dans les vestiaires, le coach commence à nous dire « il ne faut pas se livrer, on va prendre un carton ». Il nous demande d’être prudents, de fermer. Je me souviens qu’avant de retourner sur la pelouse, j’ai dit aux gars, notamment à Jacky (Vergnes) et Santiago (Santimaria) qu’on ne pouvait pas jouer comme ça. C’est le dernier match, le stade est plein à craquer comme jamais et on joue le finaliste de la Champions. Il faut attaquer. On revient en deuxième mi-temps avec beaucoup d’envie et je marque ce premier but, une reprise sur corner. J’égalise ensuite sur un centre (de Richard Krawczyk ndlr) et Jacky (Vergnes) dans la foulée marque le 3ème (une minute après le but égalisateur ndlr). On y était ! En face, il y avait une équipe exceptionnelle avec les frères Revelli notamment et mon ami argentin Oswaldo Piazza. Il est devenu par la suite mon adjoint à Velez quand j’étais coach (1993-1996). Oui je dois dire que ce match reste un beau souvenir. »

« Mon plus grand souvenir reste tout de même ce match où j’ai inscrit 6 buts contre le Paris Saint-Germain. C’est le plus marquant parce qu’il est historique »

Peut-on dire que c’est votre plus grand souvenir avec le Stade de Reims ?
« Non, je ne pense pas. J’ai toujours rempli mon contrat avec Reims mais je dirais que mon plus grand souvenir reste tout de même ce match où j’ai inscrit 6 buts contre le Paris Saint-Germain, lors de la deuxième journée de la saison 1974-75 (J2 : Reims 6-1 PSG, 9 août 1974, ndlr). C’est le plus marquant parce qu’il est historique, personne n’a depuis marqué six buts dans une rencontre de championnat. Cette saison reste malgré tout un grand regret pour moi, nous avions une équipe pour être champions. Mais nous n’avons pas eu de chance et il y a eu cette blessure, ma fracture tibia-péroné lors d'un match amical au Parc des Princes, une entente Stade de Reims-Paris Saint Germain contre le FC Barcelone (une rencontre de gala organisée par l’USJSF (syndicat des journalistes sportifs). Je me souviens encore de la date, c’était le 9 octobre 1974… Derrière, l’élan du Stade de Reims a été complètement cassé et l’équipe a fini la saison à la 11ème place du championnat. »

En cette période de confinement, un dernier message à adresser aux supporters du Stade de Reims ?
« J’ai toujours les supporters du Stade de Reims dans mon cœur. Tenez je viens d’ailleurs d’envoyer un message à Thierry, un supporter qui a créé « 100% Stade de Reims ».  J’ai deux petits-fils qui sont nés à Reims, ma belle-fille est de la région, ce sont des liens forts. Nous avons passé neuf années de notre vie à Reims, on ne peut pas laisser ça de côté. Sur la période actuelle, c’est de l’intelligence humaine que de respecter toutes les consignes sanitaires. Quand on aime les autres, on prend toutes les sécurités possibles. Moi, vous savez, ça fait 32 jours que je ne sors pas. Pour quelle raison chercher le contact ? Nous ne connaissons pas cet ennemi, cette épidémie. J’ai vu les images à Paris des gens dehors. Certains pensent que ça ne peut pas leur arriver. Mais tout ça, c’est comme quand vous roulez à 200 km/h. Vous pensez qu’il ne peut rien arriver, jusqu’au jour où… Alors la seule chose que je peux dire c’est qu’il faut rester à la maison. »